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BORO: d’une nécessité à un art de revalorisation

Boro, sashiko, sakiori… au départ ces mots ne m’évoquaient rien à part une envie de sushi. Mais depuis j’ai découvert cet héritage textile japonais avec beaucoup de valeurs qui se transcrivent dans une démarche de mode plus responsable. Avec le plus important sans doute mottainai, ce qui peut être traduit par “refus de gaspillage”.


Fortement liés, les termes boro et sashiko font référence cependant à deux choses différentes. Littéralement, boro veut dire “en lambeaux”. Généralement utilisé pour désigner des vêtements et des linges de maison qui ont été réparés encore et encore. Sashiko est un simple point de couture avant à la main pour réparer, rapiécer et renforcer ces vêtements et linges de maison. On peut dire que les textiles boro sont le résultat des coutures sashiko (1).


Sakiori est une forme de tissage qui permets de recycler les vêtements usés. Les étoffes sont déchirées en lanières de 3 mm et tissées avec des fils de chanvre ou coton comme fil de chaîne (2). C’est une autre technique que j’aimerais explorer un jour pour recycler mes chutes de tissus, mais je ne vais pas l’aborder dans la suite de ce billet.

Un peu d’histoire

Dans l’histoire des textiles japonais on pense souvent aux soies somptueuses qui étaient destinées à la création des kimonos pour l’aristocratie. Sauf que la plupart de la population ne pouvait pas se permettre ces tissus luxueux et dépendait surtout du chanvre pour leur vêtements et linges de maison. Le coton, cultivé au Japon à partir du XVI siècle, offrait une étoffe beaucoup plus agréable que le chanvre. Par contre, sa production restait une affaire coûteuse et restreinte aux régions chaudes du pays. De ce fait, les habitants des régions plus froides récupéraient les chutes et vêtements de coton défectueux ou usés. En superposant les différents pièces dans une sorte de patchwork organique, renforcé avec des coutures sashiko, des vêtements et linges de maison chauds étaient créés. Ils étaient transmis de génération en génération, inlassablement réparés, rapiécés et renforcés (3). On peut dire que le savoir-faire boro était né!

(Source photos: https://stadiumsandshrines.com/gem-club-on-japanese-boro/) Sashiko ou la beauté d’utilité

En plus de son utilité, la broderie sashiko permettait de décorer les textiles. Ce qui illustre que même avec peu de moyens on peut amener de la beauté dans le quotidien (une idée que j’aime beacoup)! Traditionnellement cousu en fil blanc avec un simple point avant sur les étoffes indigo, en lignes parallèles ou des dessins géométriques plus développés. Les points sont réguliers avec une longueur de point et une distance entre chaque point qui correspond à la taille d’un grain de riz (entre 3-5 mm). Les broderies sashiko sont caractérisées par l’absence de noeuds, pour être également beau à l’envers comme à l’endroit. Pour cela des points en arrière sont utilisés pour démarrer et arrêter la couture. Dans le but de renforcer les textiles reconstitués, idéalement le fil doit “fondre” dans le tissu et en devenir parti (ce qui explique aussi pourquoi les noeuds ne sont pas vraiment nécessaire). Pour cela, certains préconisent l’utilisation des fils broderie spécial sashiko (4). Voici quelques exemples de motifs sashiko.

(Source image: http://www.handwerkwereld.com/tag/sashiko-patronen/) Avec toutes mes recherches internet, j’ai eu l’impression que ces types de broderie sont plutôt cadrés de nos jours. Je ne vais pas rentrer dans les détails mais je vous donne un lien intéressant (en anglais, mais un blog très complet) si vous voulez faire du sashiko: http://upcyclestitches.com/sashiko/ Interprétation moderne Sans doute, les personnes derrière ces vêtements et linges de maison boro ne s’imaginaient pas que leur travail se retrouverait un jour dans des musées et même des expositions plutôt artistiques (5,6)!

Pour eux ces textiles représentaient une honte car signe de pauvreté. Néanmoins, on peut y découvrir maintenant une certaine beauté, dans leur histoire, d’être passés de génération à génération et sans cesse réparés. La volonté des propriétaires de rendre ces textiles visuellement attractifs, dans la mesure du possible, avec l’arrangement des morceaux de tissus et les jolies broderies. Je pense que le contraste ne peut pas être plus grand avec notre société caractérisée par le fast-fashion. Prendre du temps pour réparer nos vêtements et textiles semble tellement inutile quand on peut les remplacer pour un coût moindre. Sauf que c’est sans prendre en compte les effets désastreux de cette mode jetable. Dans l’idée d’en prendre plus conscience je pense que ce n’est pas mal de ressusciter cette valeur de mottainai ou “refus de gaspillage”, pour changer nos habitudes vers une “slow fashion”.

En effet c'est surtout les valeurs représentées par l’héritage textile boro qui me plaisent, comme le refus de gaspillage, le travail réfléchi et la créativité dans la quête de beauté quand on a peu de moyens. Un bel exemple c’est le jeans réparé de façon “visible mending” qui ne vise pas à cacher une réparation mais au contraire le mets en avant pour en faire un acte artistique. Très largement inspiré de boro et sashiko, les trous peuvent être réparés avec des morceaux de tissus et solidifiés avec des broderies.

(Sources photos: mooimooi) Pour finir ce billet, une expression japonaise qui dit de garder chaque morceau de tissu assez large pour emballer trois haricots… (7) pour vous dire que je me sens un peu plus légitime avec mon panier pleins de petites chutes :)

 

Petite note: Ce billet n'a pas intention d'être un document historique mais est un compte-rendu personelle de mes recherches. Néanmoins, j’ai essayé de donner un aperçu correct et si vous voyez des incohérences ou si vous avez des informations supplémentaires je suis volontaire pour les apprendre!

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