Avant l’été, un homme est venu me voir à l’atelier avec son manteau lacéré ce qui a marqué le début d’un projet de couture pas comme les autres. En me racontant son histoire, j’ai rapidement compris que ce manteau n’était pas simplement un vêtement pour lui, mais un témoin précieux d’un accident qui a bouleversé sa vie. Le 3 janvier 2021, il a été percuté par un scooter, et lors de l’intervention des pompiers, ceux-ci n’ont eu d’autre choix que de découper le manteau pour le secourir. Conservé pendant plus de trois ans, le moment était venu d’en faire quelque chose de ce manteau. Je dois avouer qu’à première vue je n’étais pas certaine de pouvoir l’aider avec ce projet. Mais touchée par son histoire, j’ai accepté de relever ce défi de réparation !

Le cheminement vers la réparation
Après réflexion et discussion, nous avons décidé de remplacer les parties endommagées, notamment la manche et la parementure, avec un nouveau tissu. Et me voilà en quête d’un tissu qui s’harmoniserait esthétiquement avec le reste du manteau, tout en conservant le confort du tissu d’origine. Car s’il y a bien une chose qui est ressortie de nos échanges, c’est que ce manteau était particulièrement douillet et confortable, un aspect essentiel à préserver. Cette recherche n’a pas été une mince affaire mais j’ai pu trouver un beau lainage issu des fin de stocks de grandes marques.
Maintenant que j’avais le tissu, je pouvais commencer la réparation. Pour ceci j’ai démonté les manches pour recréer le patron et découper la nouvelle pièce dans le nouveau lainage. En manipulant les manches abîmées, j'ai pris le temps d'apprivoiser la déchirure et de comprendre la construction de la manche. C’est là ou je me suis rendu compte que je pouvais réparer la coupure. En effet, le tissu, semblable à un tricot, permettait de fondre les coutures dans la matière, les rendant presque invisibles. C’était une révélation, et une nouvelle idée a germé…
J’ai proposé de ne pas remplacer le tissu après tout, mais de recoudre la coupure, tout en conservant le tissu d’origine, avec son côté douillet et réconfortant. Cette approche permettait non seulement de préserver le confort du manteau, mais aussi de conserver une trace subtile et visible de l’événement marquant. Il a approuvé cet idée, et c’est ainsi que la réparation a pris un nouveau tournant.
Une cicatrice, une nouvelle vie
Et c’était parti pour le travail, en commençant par de la couture à la main. J’aime bien la lenteur et les sensations que ça procure, c’est comme revenir à l’essentiel, prendre le temps de réfléchir et de se poser. Pendant que je cousais, je pensais aux pompiers qui avaient dû découper ce manteau en urgence, et voilà, trois ans plus tard, je le recouds avec soin, comme si je refermais une blessure.
Sauf qu’ici, c’était le tissu qui se réparait doucement sous mes doigts, point .-.-.-. après .-.-.-. point -.-.-.
(petite influence Paul van Ostaijen - poète néerlandais)
Ensuite, afin de solidifier cette réparation, j’ai cousu un ruban par-dessus à la machine. Ce ruban ne cherche pas à dissimuler ou à effacer la cicatrice du manteau. Au contraire, il rend hommage à l’histoire qui y est attachée comme une cicatrice sur la peau conserve le souvenir d’une expérience vécue. Ce ruban symbolise l’accident mais surtout le processus de la guérison qui s'en est suivie, tout en ajoutant un style unique à ce manteau qui a retrouvé vie.
Et voici le manteau, que j’espère profondément sera aimé à nouveau par son propriétaire et lui apportera de nouvelles, et surtout belles, histoires !

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